trames factices

Des premières expérimentations ont vu émerger une écriture textile particulière qui s’est construite au coeur même de la représentation graphique du tissage par des jeux de plongées et de reculs entre l’architecture de l’entrelacs, sa structure et ses effets. Cette recherche textile sonde l’idée même du tissu, ses fondations, sa plasticité et ses représentations, mise en exergue et soulignée par la simplicité d’une rayure. Le travail graphique mis en oeuvre trompe la représentation du tissu et sa perception. La rayure vient en renfort pour déjouer la linéarité du tissage. Les textiles représentés sont plats mais évoquent un textile rayé mis en pli. 

La question qui anime et qui sous-tend beaucoup de mes agirs sur la matière est celle du statut du textile. À ces questionnements s’imbriquent des injonctions, des récits, des références, des postures,.. qui en soulignent les creux. Derrière l’idée même d’un textile se tapit l’hypothèse d’une application. Cette production s’inscrit en définitive entre une création plastique assumée et des développements plus appliqués.

La rayure entretient avec le textile un lien fondamental, elle questionne les prémices même du tissage et s’invite intuitivement à travers cette pratique ; et ce faisant, elle a toujours absorbé mon regard. Je ne peux pas évoquer la rayure sans mentionner les recherches historiques et les analyses éclairantes de Michel Pastoureau.

La rayure engage un effet de trompe l’oeil sur lequel j’appuie pour donner du volume à la couleur. Sa structure dynamique agit comme un aimant. Elle souligne et dissimule en même temps. Elle entretient une forme d’ambiguïté par sa force graphique; les plans et les espaces sont soutenus par sa structure mais restent insaisissables. Le rayé mobilise l’oeil mais n’immobilise pas le regard. 

La collection se déplie à travers une série de pièces textiles tissées en petits ou grands formats réalisées au sein du Texlab de production de l’usine B&T Textilia.

« Il y a toujours dans la rayure quelque chose qui résiste à l’instauration de systèmes, quelque chose qui porte le trouble et la confusion, quelque chose qui « fait désordre ». Non seulement la rayure montre et cache à la fois, mais elle est tout ensemble la figure et le fond, le fini et l’infini, la partie et le tout. »*

* Michel Pastoureau, L’étoffe du Diable, une histoire des rayures et des tissus rayées, Éditions du Seuil, 1991, p.146

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles